L'informatique quantique

programmation quantique : guide pratique pour écrire votre premier code

Introduction

L’informatique quantique est un domaine en pleine effervescence qui promet de révolutionner de nombreux secteurs, de la médecine à la finance, en passant par l’intelligence artificielle. Contrairement aux ordinateurs classiques qui ont atteint les limites de leurs capacités pour certains problèmes complexes, les ordinateurs quantiques exploitent les lois étranges et fascinantes de la mécanique quantique pour ouvrir de nouvelles voies de calcul. Ce guide pratique est conçu pour vous accompagner dans vos premiers pas dans ce monde passionnant. Nous allons démystifier les concepts fondamentaux, vous présenter les outils essentiels et vous guider à travers la création de votre tout premier programme quantique.

1. Qu’est-ce qu’un ordinateur quantique et en quoi il diffère d’un ordinateur classique ?

Pour comprendre ce qu’est un ordinateur quantique, il est essentiel de saisir la différence fondamentale avec son homologue classique. Un ordinateur classique, comme celui que vous utilisez actuellement, traite l’information sous forme de bits. Un bit est une unité d’information qui ne peut prendre que deux états : 0 ou 1. C’est le fondement de toute l’informatique numérique que nous connaissons.

Les ordinateurs quantiques, en revanche, ne fonctionnent pas avec des bits, mais avec des qubits (bits quantiques). La particularité des qubits réside dans leur capacité à exploiter deux phénomènes quantiques clés : la superposition et l’intrication.

Superposition : Le 0 et le 1 en même temps

Imaginez une pièce de monnaie. Un bit classique est comme cette pièce posée sur une table : elle est soit face (0), soit pile (1). Un qubit, lui, est comme cette pièce en l’air, en train de tourner. Tant qu’elle n’est pas tombée, elle est à la fois face et pile simultanément. C’est le principe de superposition. Un qubit peut exister dans un état qui est une combinaison linéaire de 0 et de 1. Cela signifie qu’avec un seul qubit, vous pouvez représenter 0, 1, ou une combinaison des deux. Avec deux qubits, vous pouvez représenter quatre états simultanément (00, 01, 10, 11), et ainsi de suite. Le nombre d’états qu’un système quantique peut représenter croît de manière exponentielle avec le nombre de qubits, ce qui confère aux ordinateurs quantiques une puissance de calcul potentiellement immense pour certains types de problèmes [1].

Une illustration futuriste  représentant l’informatique quantique
programmation quantique

Intrication : Des liens mystérieux

L’intrication est un autre phénomène quantique déroutant mais puissant. Lorsque deux qubits sont intriqués, ils sont liés de telle manière que l’état de l’un dépend instantanément de l’état de l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare. Mesurer l’état d’un qubit intriqué affecte instantanément l’état de l’autre. Cette corrélation permet aux ordinateurs quantiques d’effectuer des opérations complexes sur plusieurs qubits simultanément, ce qui est impossible avec des bits classiques.

Portes quantiques : Les briques de construction

Pour manipuler les qubits et effectuer des calculs, les ordinateurs quantiques utilisent des portes quantiques. Ce sont l’équivalent des portes logiques (ET, OU, NON) des ordinateurs classiques, mais elles opèrent sur les états quantiques des qubits. Il existe différentes portes quantiques, chacune ayant un effet spécifique sur le ou les qubits sur lesquels elle agit. Par exemple, la porte de Hadamard (H) est souvent utilisée pour placer un qubit en superposition, et la porte CNOT (Controlled-NOT) est fondamentale pour créer de l’intrication entre deux qubits.

Pourquoi ne pas remplacer nos ordinateurs classiques ?

Malgré leur potentiel, les ordinateurs quantiques ne sont pas destinés à remplacer nos ordinateurs personnels ou nos smartphones. Ils sont particulièrement adaptés à la résolution de problèmes spécifiques qui sont insurmontables pour les machines classiques, tels que :

La cryptographie : L’algorithme de Shor, par exemple, pourrait casser les méthodes de chiffrement actuelles basées sur la factorisation de grands nombres.

•La découverte de médicaments et la science des matériaux : La simulation de molécules et de leurs interactions à l’échelle quantique est un domaine où les ordinateurs quantiques pourraient exceller, permettant de concevoir de nouveaux médicaments ou matériaux avec des propriétés spécifiques.

•L’optimisation : Pour des problèmes complexes comme l’optimisation des itinéraires de livraison ou la gestion de portefeuilles financiers, les ordinateurs quantiques pourraient trouver des solutions optimales beaucoup plus rapidement.

•L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique : Ils pourraient améliorer les algorithmes d’apprentissage automatique en fournissant des routines d’optimisation plus rapides et plus efficaces.

2. Outils et langages populaires pour la programmation quantique

Pour vous lancer dans la programmation quantique, plusieurs outils et langages sont à votre disposition. Les plus populaires sont Qiskit (IBM), Cirq (Google) et Amazon Braket. Chacun offre un environnement de développement pour construire, simuler et exécuter des circuits quantiques.

Qiskit

Qiskit est un kit de développement logiciel (SDK) open-source développé par IBM. Il est l’un des frameworks les plus utilisés pour la programmation quantique, offrant des modules pour travailler à différents niveaux d’abstraction, des circuits quantiques de bas niveau aux algorithmes et applications quantiques de haut niveau. Qiskit est écrit en Python, ce qui le rend accessible à de nombreux développeurs.

Installation de Qiskit :

Pour installer Qiskit, vous aurez besoin de Python (version 3.7 ou ultérieure est recommandée). Il est conseillé d’utiliser un environnement virtuel pour gérer vos dépendances.

Bash

pip install qiskit

Une fois installé, vous pouvez commencer à écrire votre code. Qiskit permet de simuler des circuits quantiques localement ou de les exécuter sur de véritables ordinateurs quantiques via le cloud IBM Quantum Platform.

Cirq

Cirq est une autre bibliothèque Python open-source pour la programmation quantique, développée par Google. Elle est conçue pour donner aux utilisateurs un contrôle précis sur les opérations quantiques, ce qui la rend particulièrement adaptée à la recherche et au développement d’algorithmes quantiques spécifiques. Cirq se concentre sur la manipulation des circuits quantiques au niveau des portes.

Installation de Cirq :

pip install cirq

Amazon Braket

Amazon Braket est un service de calcul quantique entièrement géré proposé par Amazon Web Services (AWS). Il fournit un environnement de développement unifié qui permet aux scientifiques, aux chercheurs et aux développeurs de construire, tester et exécuter des algorithmes quantiques sur différents types de matériel quantique (ordinateurs quantiques à portes, recuits quantiques, simulateurs). Braket intègre des SDK comme PennyLane, Qiskit et Cirq, offrant ainsi une grande flexibilité.

Accès à Amazon Braket :

Pour utiliser Amazon Braket, vous devez disposer d’un compte AWS. Le service est accessible via la console AWS, où vous pouvez créer des instances de notebook Jupyter préconfigurées avec les outils nécessaires pour commencer à programmer. Cela simplifie grandement la configuration de l’environnement de développement.

3. Votre premier programme quantique avec Qiskit : Créer et mesurer un qubit

Pour illustrer les concepts que nous venons de voir, nous allons créer un programme simple qui initialise un qubit, le met en superposition, puis le mesure. Nous utiliserons Qiskit pour cet exemple, car il est très bien documenté et largement utilisé.

Préparation de l’environnement

Assurez-vous d’avoir Qiskit installé (voir la section précédente). Vous pouvez exécuter ce code dans un script Python ou, idéalement, dans un notebook Jupyter pour visualiser les circuits.

Le code pas à pas

from qiskit import QuantumCircuit, transpile

from qiskit_aer import AerSimulator

from qiskit.visualization import plot_histogram

import matplotlib.pyplot

as plt

 # 1. Créer un circuit quantique avec un qubit et un bit classique

# Le qubit (q_0) sera utilisé pour les opérations quantiques.

# Le bit classique (c_0) stockera le résultat de la mesure du qubit.

qc = QuantumCircuit(1, 1)

 # 2. Appliquer une porte Hadamard (H) au qubit 0

# La porte Hadamard met le qubit en superposition, c’est-à-dire

# qu’il est à la fois dans l’état 0 et l’état 1 avec une probabilité égale. qc.h(0)

# 3. Mesurer le qubit 0 et stocker le résultat dans le bit classique 0

# La mesure collapse la superposition du qubit en un état défini (0 ou 1).

 # Le résultat est ensuite enregistré dans le bit classique. qc.measure(0, 0)

# 4. Dessiner le circuit quantique # Cela permet de visualiser les opérations appliquées au qubit. print(« Circuit quantique : ») print(qc.draw(output=\’text\’))

# 5. Configurer le simulateur # Nous utilisons AerSimulator de Qiskit Aer pour simuler l’ordinateur quantique. simulator = AerSimulator() # 6. Transpiler le circuit pour le simulateur

 # Le transpiler optimise le circuit pour l’architecture du simulateur. compiled_circuit = transpile(qc, simulator) # 7. Exécuter le circuit sur le simulateur

# Nous exécutons le circuit 1024 fois (shots) pour obtenir des statistiques

# sur les résultats de mesure. job = simulator.run(compiled_circuit, shots=1024)

# 8. Obtenir les résultats de l’exécution result = job.result()

# 9. Obtenir les comptes des résultats de mesure

# Cela nous donne le nombre de fois où chaque état (0 ou 1) a été mesuré.

counts = result.get_counts(qc) print(« \nRésultats de mesure (counts) : », counts)

# 10. Afficher l’histogramme des résultats

# L’histogramme visualise la distribution des résultats de mesure.

plot_histogram(counts) plt.title(« Résultats de mesure du qubit en superposition »)

plt.show()

Une illustration futuriste et lumineuse représentant l’informatique quantique
Une illustration futuriste et lumineuse représentant l’informatique quantique

Explication ligne par ligne :

•from qiskit import QuantumCircuit, transpile: Importe les classes nécessaires de Qiskit. QuantumCircuit pour créer le circuit, transpile pour l’optimisation.

•from qiskit_aer import AerSimulator: Importe le simulateur quantique local de Qiskit Aer.

•from qiskit.visualization import plot_histogram: Importe la fonction pour tracer les histogrammes des résultats.

•import matplotlib.pyplot as plt: Importe Matplotlib pour l’affichage des graphiques.

•qc = QuantumCircuit(1, 1): Crée un circuit quantique avec 1 qubit et 1 bit classique. Le premier argument est le nombre de qubits, le second est le nombre de bits classiques.

•qc.h(0): Applique une porte Hadamard au qubit d’indice 0. Cette porte est cruciale car elle place le qubit dans un état de superposition, où il a une probabilité égale d’être mesuré comme 0 ou 1.

•qc.measure(0, 0): Mesure le qubit d’indice 0 et stocke le résultat dans le bit classique d’indice 0. La mesure est l’opération qui

transforme l’état quantique du qubit en un état classique (0 ou 1).

•print(qc.draw(output=’text’)): Affiche une représentation textuelle du circuit quantique. Cela vous permet de visualiser les portes appliquées et l’ordre des opérations.

•simulator = AerSimulator(): Initialise un simulateur quantique. Qiskit Aer est une bibliothèque qui fournit des simulateurs haute performance pour les circuits quantiques.

•compiled_circuit = transpile(qc, simulator): Compile (ou transpiler) le circuit quantique pour le simulateur choisi. Cette étape optimise le circuit pour l’architecture spécifique du simulateur, ce qui peut inclure la réorganisation des portes ou leur décomposition en un ensemble de portes supportées par le matériel cible.

•job = simulator.run(compiled_circuit, shots=1024): Exécute le circuit compilé sur le simulateur. Le paramètre shots=1024 indique que le circuit sera exécuté 1024 fois. En informatique quantique, les résultats des mesures sont probabilistes, il est donc courant de répéter l’exécution plusieurs fois pour obtenir une distribution statistique des résultats.

•result = job.result(): Récupère les résultats de l’exécution du job.

•counts = result.get_counts(qc): Extrait les comptes des résultats de mesure. counts est un dictionnaire où les clés sont les états mesurés (par exemple, ‘0’ ou ‘1’) et les valeurs sont le nombre de fois où chaque état a été observé.

•print(« \nRésultats de mesure (counts) : », counts): Affiche les comptes des résultats. Vous devriez voir que les états ‘0’ et ‘1’ ont été mesurés approximativement le même nombre de fois (environ 512 chacun), ce qui confirme la superposition.

•plot_histogram(counts): Génère un histogramme à partir des comptes des résultats. C’est une visualisation utile pour comprendre la distribution des probabilités des états mesurés.

•plt.title(« Résultats de mesure du qubit en superposition »): Définit le titre de l’histogramme.

•plt.show(): Affiche l’histogramme. Si vous exécutez ce code dans un environnement Jupyter, le graphique s’affichera directement. Dans un script Python, une fenêtre s’ouvrira pour afficher le graphique.

4. Tester son code sur un simulateur ou un véritable ordinateur quantique via le cloud

L’exemple de code ci-dessus utilise un simulateur local (AerSimulator), ce qui est idéal pour le développement et le test rapide de vos circuits sans avoir besoin d’accéder à un véritable ordinateur quantique. Cependant, Qiskit et d’autres plateformes vous permettent également d’exécuter votre code sur des simulateurs plus puissants ou même sur de véritables ordinateurs quantiques via le cloud.

Utilisation de simulateurs cloud

Des plateformes comme IBM Quantum Platform ou Amazon Braket offrent des simulateurs basés sur le cloud qui peuvent gérer des circuits plus complexes que les simulateurs locaux. L’avantage est que vous n’avez pas besoin de ressources de calcul importantes sur votre machine locale. Pour IBM Quantum Platform, vous devrez vous connecter avec vos identifiants et utiliser le QiskitRuntimeService.

Une illustration futuriste et lumineuse représentant l’informatique quantique
Une illustration futuriste et lumineuse représentant l’informatique quantique

Exécution sur de véritables ordinateurs quantiques

C’est l’étape la plus excitante ! Des fournisseurs comme IBM, Google (via Cirq et leur processeur Sycamore), et Amazon (via Braket qui donne accès à différents matériels comme IonQ, Rigetti, ou QuEra) mettent à disposition leurs ordinateurs quantiques via le cloud. L’exécution sur un véritable appareil implique souvent une file d’attente et peut prendre plus de temps en raison des contraintes physiques et de la demande. Les résultats peuvent également être affectés par le bruit quantique, ce qui rend l’analyse plus complexe mais aussi plus réaliste.

Pour exécuter sur un véritable appareil avec Qiskit, vous devrez :

1.Obtenir un compte et une clé API auprès du fournisseur (par exemple, IBM Quantum Platform).

2.Configurer vos identifiants dans votre environnement Python.

3.Sélectionner un backend (un ordinateur quantique ou un simulateur cloud spécifique) disponible.

4.Transpiler votre circuit pour l’architecture de ce backend.

5.Soumettre votre job et récupérer les résultats.

Le code commenté dans l’exemple Qiskit précédent montre comment vous pourriez configurer un QiskitRuntimeService pour interagir avec les services IBM Quantum. Pour des tests initiaux, les simulateurs sont toujours la meilleure approche.

5. Pistes pour aller plus loin

Félicitations ! Vous avez écrit et exécuté votre premier programme quantique. Ce n’est que le début de votre voyage dans le monde fascinant de l’informatique quantique. Voici quelques pistes pour approfondir vos connaissances et vos compétences :

Algorithmes quantiques simples

Une fois que vous maîtrisez les bases des qubits et des portes, explorez des algorithmes quantiques plus complexes. Certains des plus connus et relativement accessibles pour les débutants incluent :

•L’algorithme de Deutsch-Jozsa : Un des premiers algorithmes quantiques à démontrer un avantage sur les algorithmes classiques pour un problème spécifique.

•L’algorithme de Grover : Permet de rechercher un élément non trié dans une base de données plus rapidement qu’un algorithme classique.

•L’algorithme de Shor : Bien que plus complexe à implémenter, comprendre son principe est crucial car il a des implications majeures pour la cryptographie.

Ressources d’apprentissage

Le domaine de l’informatique quantique est en constante évolution, et de nombreuses ressources sont disponibles pour vous aider à apprendre :

•Documentation officielle : Les documentations de Qiskit, Cirq et Amazon Braket sont d’excellentes sources d’information, avec des tutoriels et des exemples détaillés.

•Cours en ligne : Des plateformes comme Coursera, edX, ou les propres plateformes d’apprentissage d’IBM Quantum Experience proposent des cours allant des bases aux sujets plus avancés.

•Livres : De nombreux ouvrages couvrent l’informatique quantique, des introductions pour débutants aux manuels techniques approfondis.

•Communautés en ligne : Rejoignez des forums, des groupes Reddit (comme r/QuantumComputing), ou des communautés Discord dédiées à l’informatique quantique pour poser des questions, partager vos expériences et apprendre des autres.

Expérimenter et pratiquer

La meilleure façon d’apprendre est de pratiquer. N’hésitez pas à modifier les exemples de code, à créer vos propres circuits, et à expérimenter avec différentes portes et configurations. Les simulateurs sont vos meilleurs amis pour cela, vous permettant de tester vos idées sans coût ni attente.

Conclusion

L’informatique quantique est un domaine prometteur qui est encore à ses débuts, mais son potentiel est immense. En comprenant les concepts fondamentaux et en vous familiarisant avec les outils de programmation, vous êtes désormais équipé pour explorer ce nouveau monde. Le chemin est long, mais chaque petit pas vous rapproche d’une compréhension plus profonde de l’univers quantique et de ses applications révolutionnaires. Alors, n’attendez plus, et continuez à expérimenter !